Témoignage de confinement : Aurélie Olivesi

Pouvez vous vous présenter ?

Je m’appelle Aurélie Olivesi, je suis Maîtresse de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Lyon 1 et j’enseigne à l’IUT (département Informatique). J’interviens également dans le Master EGALAPS. Ma recherche porte sur le discours sur le genre dans les médias.

J’ai été confinée à Lyon dans mon appartement avec mon conjoint et mon fils de 10 ans, qui est en CM2.

Comment avez-vous vécu l’annonce du confinement ? Les premières semaines ?

La première impulsion a été une forme de soulagement car le rythme avant confinement était intenable. Une partie de moi s’est dit « Plusieurs semaines à la maison, c’est formidable, on va ralentir et je vais pouvoir me consacrer à ma recherche. »
J’ai assez vite compris que ça n’allait pas se passer comme ça !

Nous avons très instinctivement et rapidement mis en place un emploi du temps prenant en compte nos contraintes professionnelles, l’école à la maison et les tâches ménagères, en associant autant que possible notre fils à la réalisation de ce planning.

Alors que nous avions d’ordinaire un calendrier partagé en ligne, nous sommes passés au papier pour organiser la semaine, avec une feuille A4 hebdomadaire.

Connaissez-vous le terme de charge mentale ? Dans quelle mesure avez-vous ressenti son poids pendant cette période ?

Je connais bien ce terme, oui, et la BD d’Emma l’a bien expliqué.

La charge mentale a effectivement augmenté pendant le confinement, en grande partie car les annonces et les recommandations sanitaires changeaient très régulièrement. Cela m’a rappelé les premiers mois de mon fils, quand il fallait changer tout le temps d’organisation. Là, il a fallu sans arrêt changer de rythme et s’adapter, mais cette fois-ci en plus, dans un climat anxiogène.

Nous avons globalement bien réparti les tâches à la maison. Je pense que le fait que nous fassions le même métier a grandement facilité les choses. Pour l’école, nous nous sommes réparti les matières (j’ai pris les maths). Pour les repas, tout le monde a participé dans la mesure du possible.  

Je n’ai pas supporté seule la charge émotionnelle non plus, chacun prenait des nouvelles et aucun de nos proches n’a été touché. J’ai tout de même beaucoup pensé à Virginia Wolf et la nécessité d’avoir « une pièce à soi », car nous n’avons pas de bureau chez nous et il n’a pas été facile de s’isoler.

Beaucoup de médias prônaient un retour à une forme d’intériorité et de lenteur, avez vous pu prendre ce temps pour vous ? (lire, sport, prendre soin de soi)

J’ai été surprise par la charge de travail engendrée par la pédagogie à distance, il a fallu refaire intégralement tous mes cours pour ces nouveaux supports. Les recommandations ont aussi changé en cours de route : au départ on nous a recommandé de privilégier l’asynchrone au maximum, pour des raisons de difficultés de connexion de nos étudiant·es, de temps d’écran quotidien et de charge de la bande passante. Tout, cela a pris beaucoup de temps et beaucoup d’énergie, sans retours ou contacts humains. Donc j’ai vraiment été contente de faire une partie des cours par Webex par la suite.

Pour l’intériorité, tout ce qui était culturel était dédié à du temps en famille donc on a composé un vaste programme de ciné-club familial, avec des classiques, des cycles… Ce n’était pas du temps personnel.

J’ai un peu lu, mais pas tant que ça, et j’ai remplacé mon temps de trajet habituel à vélo en me remettant au yoga avec une appli, pour éviter le mal de dos.

Globalement nous avons essayé de nous faire la vie de famille la plus agréable possible.

Avez-vous ressenti une forme de culpabilité concernant votre gestion de cette crise ?

J’ai terminé cette période en me disant que j’aurais dû produire plus de recherche mais je sais que c’était impossible. Nous avons passé deux mois à gérer l’urgence quotidienne, et je crois que nous avons a fait ce que nous avons pu.

J’ai compensé en prenant du temps pour faire du travail de valorisation scientifique. J’ai finalisé le montage du premier numéro du podcast des « Rencontres du genre » pour la MSH Lyon-St Étienne, qui je l’espère sera bientôt en ligne.

Comment avez-vous géré l’après confinement ? Quelles ont été vos stratégies pour initier le changement ?

L’après confinement a été beaucoup plus difficile en termes de charge mentale, car tout est reparti comme si la situation était à nouveau normale, alors que ce n’était pas le cas. L’école n’avait pas vraiment repris, donc la répartition entre une charge de travail presque habituelle et l’école à la maison a été très compliquée. Mais j’ai conscience que ma situation n’est pas la pire car, cette année, je n’avais pas de grosse charge administrative.

La rentrée se présente encore comme très incertaine, je vais probablement garder une partie de mes stratégies d’enseignement et d’évaluation en distanciel. Il y a quelques éléments qui ont bien marché (enfin je pense). Les enseignant·es ont été très appuyé·es par le service ICAP qui a fait un travail remarquable. J’ai appris, dans un premier temps, à faire des vidéos, puis des vidéos « pas trop moches » ! Ça, c’est acquis pour moi et je me resservirai de cette compétence.

Concernant ma vie de chercheuse je faisais déjà pas mal de choses à distance, mais cela s’est imposé à beaucoup de collègues. Beaucoup de réunions sont maintenant organisées en visioconférence.

Pour la suite, j’ai le sentiment que j’ai pu réorganiser mon travail en étant plus à l’écoute de mon rythme personnel, et je vais essayer de conserver cette articulation des différents temps de vie en tenant de ralentir (mais j’ai déjà du mal à m’y tenir !)

Je crois que l’enseignement principal a été l’évidence que le métier d’enseignant-chercheur n’est pas un engagement monacal. C’est un métier de contact humain, et c’est nécessaire à l’équilibre intellectuel !