Les reco de la mission égalité-diversité – Juin 2025

L'invitée du mois

Ce mois ci c'est Claire Iaccouzzo Paoli, responsable de scolarité à l'ISPB et référente égalité-diversité qui nous propose sa recommandation culturelle. Merci Claire !

Claude Cahun & Marcel Moore

Une recommandation et une BD de Claire !

Art, transgression des normes de genre et résistance.

En ce mois de juin, je vous invite à découvrir les artistes Claude Cahun & Marcel Moore, né·es Lucy Schwob et Suzanne Malherbe.
Couple dans la vie et partenaires dans l’art, iels ont construit une œuvre photographique et graphique subversive.

Au début des années 20, dans le Paris surréaliste, Claude Cahun produit des autoportraits photographiques où iel brouille les normes du genre, incarne des personnages et défie les normes sociales. La tête rasée, en costume, silhouette androgyne, iel se met en scène dans des images mystérieuses, orchestrées en collaboration avec Marcel Moore.
Leur travail commun, fait de jeux de miroirs et de métamorphoses, questionne la binarité de genre et anticipe la notion contemporaine de « fluidité de genre ».

« Masculin ? Féminin ? Mais cela dépend des circonstances. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. », Claude Cahun

En 1930, Claude Cahun écrit un livre-manifeste Aveux non avenus, mêlant textes introspectifs dans lequel Marcel Moore est autrice de collages et dessins.
 Ce travail préfigure l’art conceptuel et les installations contemporaines : le livre est pensé comme un objet hybride, où texte et image dialoguent dans une tension créative.

Dès 1937, iels pressentent la montée du nazisme et s’installent sur l’île de Jersey.

En 1940, l’île est occupée par les nazis et iels deviennent résistant·es : fabrication et diffusion de tracts clandestins, création de faux poèmes signés par un soldat allemand imaginaire. Iels sèment le doute dans les rangs nazis, inquiètent l’état-major allemand et sont recherché.es par la gestapo.
Iels finissent par être arrêté·es et condamné·es à mort en 1944, mais seront finalement libéré·es à la libération de l’île en 1945.

Longtemps resté·es dans l’ombre, Claude Cahun et Marcel Moore sont aujourd’hui reconnu·es comme des pionnier·es de l’art conceptuel et de la subversion de genre.
Leurs œuvres nées d’un dialogue intime et créatif, continues d’inspirer les pensées queer, féministes et artistiques contemporaines.

Par leur vie, iels rappellent que l’art peut être un espace de liberté et un outil de résistance.

En bonus, leur portrait par Margaux Brugvin

SIX The Musical

Une recommandation d'Alan

C’est bientôt l’été, pourquoi ne pas se mettre de bonne humeur avant les vacances avec un peu de musique ? SIX est une comédie musicale de Lucy Moss et Toby Marlow créée à Edimbourg en 2017, et qui a connu un succès phénoménal dans le monde entier depuis.

Divorced, beheaded, died, divorced, beheaded, survived. Le roi d’Angleterre Henry VIII a eu six femmes, qui ont souvent connu un destin tragique : exécutées pour une infidélité supposée, ou même abandonnée parce que considérée trop laide par le souverain. Ces six femmes montent un groupe de musique et se retrouvent face à une lourde tâche : déterminer qui sera la cheffe du groupe. Elles décident que celle qui a le plus souffert pendant sa vie pourra prendre cette place, et racontent donc, chacune dans une chanson, ce qu’elles ont vécu aux côtés du roi. Et au fil du spectacle, elles nous amènent à réfléchir sur la place des femmes dans l’histoire, et sur la définition de leurs identités en dehors des “femmes du roi”. Elles réalisent qu’elles ont été victimes d’un homme cruel qui ne les considérait que peu, qu’elles ne pouvaient pas lui faire face à cause de la position des femmes dans la société de l’époque, et que l’histoire les a privées de leur individualité. A partir de là, quelle doit être l’identité de leur groupe de musique ? Et leurs identités à elles ? Est ce qu’elles peuvent réécrire l’Histoire – transformer l’HisTory en HerStory ?

Je vous propose de découvrir la version de ce spectacle qui a été enregistrée en live à Broadway en 2022, disponible sur toutes les plateformes où vous écoutez votre musique, en attendant la diffusion internationale de la captation qui est sortie en avril au Royaume-Uni !

Six portraites du 16ème siècle de six femmes richement vêtues.
Portraits des six femmes d'Henry VIII

Dix questions sur la grossophobie - Daria Marx

Une recommandation de Julie

Daria Marx a cofondé le collectif Gras Politique. Elle est la coautrice de Gros n’est pas un gros mot (Flammarion, 2018). « La grossophobie est une discrimination à la fois systémique et privée, elle vous colle à la semelle pour ne plus vous lâcher. Elle s’organise dans les rouages de nos systèmes éducatifs, dans nos décisions de santé publique, dans l’égalité de l’accès aux soins, elle nourrit les appétits capitalistes des géants industriels à hauteur de milliards d’euros chaque année. Elle se cache dans les placards cadenassés des cuisines familiales des adolescents désignés comme gourmands, elle se mêle aux violences sexistes et sexuelles, elle se tisse dans les mailles des vêtements introuvables passé une certaine taille. »

Quel bonheur le retour du soleil, de l’été et des injonctions aux régimes et à la minceur à peu près partout, en particulier en couverture des magazines féminins ! (et sur TikTok avec l’inquiétante trend « Skinny Tok »).

Si comme moi vous pensiez avoir une bonne idée de ce qu’est la grossophobie : think again ! et empruntez cet indispensable ouvrage.En 192 pages, Daria Marx fait un tour complet de la question en adoptant un point de vue historique, sociologique, éducatif, médical, économique et bien sur politique…

Le concept d’intersectionnalité est expliqué de manière limpide en rappelant les débuts de la lutte contre la grossophobie liée à celles des populations minorisées aux États-Unis, au mouvement des droits civiques, des droits LGBTQI+, mais aussi au féminisme. On comprend ainsi très bien comment cette discrimination, comme toutes les autres, fait système.

Fairyland - Alysia Abbott

Une recommandation de Marthe

Pendant mes dernières vacances, je me suis plongée dans la lecture de « Fairyland » : un témoignage magistral, rare, précieux, que j’ai lu quasiment d’un trait et ai refermé les yeux mouillés. 

Dans ce livre, Alysia Abbott y raconte l’enfance qu’elle a vécu avec son père Steve, un poète homosexuel qui l’a élevé seul dans le San Francisco des années 70.

Ce témoignage se base tout à la fois sur sa propre mémoire d’enfant, les journaux intimes de son père tenus méthodiquement au fil des années, des photos d’archive ainsi que les publications de S. Abott dans divers revues et ouvrages. Une mine d’or de souvenirs en somme, permettant d’honorer des destins toujours oubliés, souvent méprisés. 

Mille et une raisons m’ont conduite à adorer « Fairyland » mais je vous en citerai ici trois (en espérant que l’une d’entre elles vous conduise à ajouter cette lecture à votre pile de livres à lire!) : 

  • La rareté des récits décrivant une relation sincère d’amour, de bienveillance, d’investissement, de confiance entre un père et sa fille 
  • L’impression de déambuler à travers les pages dans ce San Francisco « originel », devenu progressivement refuge pour les personnes LGBT+ 
  • La plongée dans l’univers fascinant de la poésie, à une heure où l’art se transmettait par le bouche à oreille dans des cafés underground que l’on imagine plein de charme 

Alors, une meilleure idée en ce mois des fiertés ?