Le confinement a aggravé les inégalités entre les femmes et les hommes, sur le plan personnel et professionnel. Au confinement s’est ajouté le télétravail qui, comme le révèle l’enquête de l’INED publié en juillet 2020, a eu des impacts différents suivant le sexe des travailleu.ses et leur catégorie sociale. Cette réalité est d’autant plus vraie pour les femmes en confinement dans un foyer hétérosexuel avec des enfants (en bas âge ou non). Afin de visibiliser ces inégalités, exacerbées pendant cette période, nous avons recueilli les témoignages de femmes, de catégorie A, B et C travaillant comme personnels BIATSS ou enseignantes-chercheuses à l’Université Lyon 1. Vous pourrez les découvrir, quotidiennement sur le blog, du 15 au 23 juillet.
Pouvez-vous vous présenter et me dire quelle est votre fonction à l’Université ?
Je suis Brigitte Brun, responsable administrative du service de santé universitaire depuis très récemment puisque j’ai intégré le service trois semaines avant le confinement.
Avec qui avez-vous passé le confinement ?
Avec mon mari et mes enfants, deux enfants, 8 et 12 ans. Une fille, un garçon, on a la parité, on est bons !
Comment avez-vous vécu l’annonce du confinement et comment se sont déroulées les premières semaines, la mise en place d’une nouvelle organisation ?
Au SSU nous avions déjà des informations très précises sur le Covid donc pas tellement de surprise. Une de mes collègues est tombée malade le 7 mars nous avons vu venir la suite assez rapidement. Donc pas de surprise ni d’impression que ça nous est « tombé dessus d’un coup ».
Je suis quand même quelqu’un d’assez sociable et active donc l’ajustement a été compliqué. Et puis surtout rapidement il a été difficile de concilier télétravail et école à la maison.
Les premières semaines, ça a donc été un peu difficile de trouver un équilibre. Mon mari exerce exactement le même métier que moi, donc il est également dans la fonction publique catégorie B mais à Lyon 2. Il était en télétravail donc on a pu se répartir les tâches, je n’étais pas seule en charge des deux enfants.
Connaissez-vous le terme de charge mentale ? Et dans quelle mesure avez-vous ressenti le poids de cette charge-là ? Est-ce que vous l’avez ressenti pendant la période de confinement ?
Oui je l’ai ressenti au bout d’un mois avec le printemps, le beau temps, et l’enfermement, devoir rendre les copies pour les enfants, j’ai ressenti quand même beaucoup de pression. Il y a eu un sentiment d’être trop statique et de débordement. Au niveau du travail aussi car j’occupais une nouvelle fonction dans une période particulière… Il est certain que je ne suis pas professeure des écoles et ne le serai probablement jamais !
Ce n’est pas une vocation ?
Non, mais ça je le savais déjà !
Beaucoup de médias, pendant le confinement, ont prôné comme un retour à une forme d’intériorité, de prendre du temps pour soi, de lire, faire du sport… Avez-vous eu le sentiment de correspondre à ce modèle-là ?
Pas du tout… Je vois tout à fait de quoi vous parlez. Je n’ai pas eu le temps, c’est-à-dire que j’avais des journées complètement remplies.
Après, effectivement, on a pu avoir du recul sur certaines choses : la nature revient, on voit plus d’oiseaux… Ce sont quand même des éléments qui donnent un petit peu d’espoir pour la suite, mais je savais que l’espoir ne durerait pas longtemps. Je vois bien ce qu’il se passe depuis le déconfinement, je crois que rien n’a changé. Les gens sont très en colère. Moi je suis pas plus en colère qu’avant car je n’étais pas pleine d’espoir non plus…
En tout cas ça n’a pas été un moment de méditation suprême cette période de confinement !
Avez-vous ressenti une forme de culpabilité, que ce soit par rapport au travail ou dans votre vie personnelle, dans votre façon de gérer la crise ?
Culpabilité, pas vraiment, mais le fait d’être sur un nouveau poste avec des enjeux, des deadlines, le fait qu’on compte sur moi. Je n’ai aucune pression de ma supérieure, il n’y a eu aucun problème à ce niveau-là, au contraire. Mais je me suis mis un peu la pression. Je ne parlerais donc pas de culpabilité, mais d’une certaine pression que je me suis imposée.
J’ai travaillé tous les mercredis alors que je suis à 80% et que c’est mon jour off. Je n’ai pas pu travailler huit heures par jour avec deux enfants à faire étudier. l’ensemble a été un petit peu déséquilibré mais on y arrive petit à petit.
Dans votre couple, le rapport temps passé sur le travail et temps passé sur les tâches domestiques et avec les enfants, est-ce que vous pensé que ça a été un rapport égalitaire ?
Oui, je dirais même que mon mari a plus géré les enfants que moi. Il était plus confortable avec le travail, avec une petite baisse d’activité. Il a naturellement il fait plus de choses, surtout au niveau des devoirs. Les repas je les ai gardés pour moi. Comme nous n’avons pas l’intention de divorcer, j’imagine que ce n’est pas un échec !
C’est difficile d’être confiné, même avec son mari et ses enfants, on n’a pas l’habitude d’être ensemble 24h sur 24 malgré tout.
Comment est-ce que vous organisiez votre emploi du temps pendant le confinement ?
Je concentrais mon travail sur le matin, de 8h à midi environ car les enfants étaient plus calmes, soit ils faisaient un peu d’écrans ou de dessin. Ils étaient assez sages, mon mari leur faisait faire les devoirs. J’avais aussi de l’aide de ma belle-mère, qui est professeure à la retraite et a géré des devoirs en visio avec ma fille. Ça nous a vraiment beaucoup aidé.
En début d’après-midi j’étais plus avec mes enfants, mon mari s’accordait toujours une heure ou deux pour sortir avec eux le soir. Je reprenais le travail en général deux heures en fin de journée.
Comment avez-vous géré l’après-confinement, avez-vous pu retourner sur votre lieu de travail, par rapport à l’organisation comment ça évolue ?
Mes enfants ne sont pas retournés du tout à l’école ces deux dernières semaines nous nous sommes organisés autrement. J’ai repris sur site depuis le 11 mai. Pas à temps plein : un jour les deux premières semaines, deux jours ensuite et à partir de la semaine prochaine je reviens en présentiel complètement. J’avais très envie de reprendre. Et mon mari a pu, lui, rester en télétravail, donc de la même façon il a pu gérer les enfants.
Dernière question, pour conclure un peu sur cette période de flou, comment envisagez-vous l’après, le retour « à la normale » ?
J’ai une appréhension générale avec ce qui se dit en ce moment sur une deuxième vague à l’automne, effectivement même si je pense qu’on ne reconfinera pas. Je ne le vis pas mal, je suis contente de pouvoir reprendre une activité normale. Ma seule appréhension c’est le retour à l’école des enfants qui ont été déscolarisés six mois… Et puis comme tout le monde, j’aimerais que ça ne recommence pas et qu’il y ait rapidement un vaccin.