À vous la parole : le barcamp de la BU Education co-organisé par la mission égalité-diversité

Manon Proust, stagiaire à la BU Education de la Croix Rousse, nous livre son retour sur le barcamp qui s’est déroulé le 29 novembre dernier.

La BU Education de Lyon Croix-Rousse accueillait le jeudi 29 novembre 2018 un BARCamp sur le thème « Diversité-Egalité ». Les BARCamp sont l’occasion pour les chercheur.euse.s et doctorant.e.s de présenter leur sujet de thèse en une dizaine de minutes au grand public.

Deux étudiant.e.s ont fait ce jour-là une présentation : Noémie Drivet (sous la codirection de Cécile Ottogalli et Philippe Liotard) sur l’homophobie et le sexisme présents à l’UFR STAPS de Lyon depuis 1995, et Guillaume Jomand (dirigé par Aurélie Epron et Philippe Liotard) au sujet de la féminisation de la lutte sportive en France entre 1971 et 2004, tous deux membres du laboratoire L-Vis (Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport).

Dans l’histoire du milieu sportif, les femmes ont dû se battre afin de trouver leur place dans cet environnement encore aujourd’hui très machiste. On peut citer notamment l’athlète Caster Semenya qui dû subir un test de féminité durant les championnats du monde de Berlin en 2009 à cause d’une apparence jugée trop « masculine » (Anaïs Bohuon, Le test de féminité dans les compétitions sportives : une histoire classée X). Les personnes LGBT+ ont-elles-aussi du mal à se sentir intégrées dans le milieu sportif. On peut toutefois citer les exemples Amélie Mauresmo et Alexandra Lacrabère, même si à ce jour, aucun footballeur masculin français ne s’est prononcé publiquement sur sa sexualité, chose encore tabou pour les hommes sportifs professionnels devenus célèbres (« Quand j’ai vu l’Allemand Thomas Hitzl­sperger faire son coming out en 2014, c’était fort en émotion. C’est là où je me suis dit qu’il était impossible d’afficher son homosexualité dans le football » Olivier Giroud dans Le Figaro).

Les licences et master STAPS étant des lieux de formation pour les futur.e.s professionnel.le.s du sport, ils n’échappent pas à ces formes de discriminations.

Afin d’élaborer son étude, Noémie Drivet a effectué un sondage auprès des jeunes en licence afin de savoir à quelle fréquence iels entendaient des insultes LGBTphobes. Résultat, plus d’un tiers en entendent quotidiennement en formation STAPS (et seulement 5% n’en entendent jamais). Ces termes, étant souvent prononcés sur un ton humoristique, deviennent totalement banalisés et sont passés sous silence. Noémie Drivet a aussi étudié un refrain chanté durant les week-ends d’intégrations organisés par les étudiant.e.s en début d’année scolaire, composé de phrases ouvertement sexistes envers les femmes et leur sexualité. Chez les étudiant.e.s interrogé.e.s, beaucoup pensent qu’il ne s’agit ici que d’une chanson faisant partie de la tradition STAPS, sans conséquences réelles.

Cependant, certain.e.s n’hésitent pas à avouer qu’iels participent à ce rite plutôt par peur de l’exclusion que par conviction. D’autres témoignent d’un discours égalitaire bien souvent éloigné de la réalité. Pour la suite de ses recherches, Noémie Drivet prévoit d’étudier un panel d’étudiant.e.s plus large sur toute la formation STAPS, licences et masters confondu.e.s.

Pour ses recherches sur la féminisation de la lutte, Guillaume Jomand s’est inspiré de sa propre expérience. Il a ainsi effectué des entretiens avec des lutteuses, mais a aussi travaillé sur des archives et des ouvrages présents dans le fonds Aspasie. La lutte sportive est depuis longtemps une pratique masculine où domine le concept de « virilité », et ce n’est qu’en 1971 qu’une section féminine est créée au Pas-de-Calais. Cette création ne fut pas sans critique, comme nous le montre Guillaume dans un reportage de l’époque où cette pratique est jugée sans grâce pour des jeunes filles. Dominique Picavet, pionnière de la lutte féminine et championne de France sans interruption de 1976 à 1983 a créé en 1982 l’un des premiers tournois internationaux de France à Tourcoing, et ce avant même la reconnaissance officielle du sport par la Fédération Internationale des Luttes Associées. À partir de 1975, les femmes peuvent acquérir une licence de lutte au sein de la FFL (Fédération Française de Lutte) mais sans espoir de compétition. Grâce à cette décision, le mouvement de lutte féminine se structure et en 1978 est créée la Commission Nationale Féminine.

À l’échelle internationale, le premier championnat du monde de lutte féminine a lieu en 1987, mais il faut attendre 2004 pour que la pratique accède aux Jeux Olympiques d’Athènes, ce qui permet alors un développement mondial de la lutte auprès des femmes qui est aujourd’hui très populaire aux Etats-Unis. Au niveau scolaire, quelques tentatives ont lieu dans les écoles afin de faire participer les enfants à la lutte mixte dès les années 1960 mais restent sans réels résultats. En 1972 a lieu une expérience sur des classes mixtes de Cours Moyens au sein de l’ENSEPS dite Nouvelle (École normale supérieure d’éducation physique et sportive de Chatenay Malabry), ce qui a permis dans les années 1980 l’entrée de la lutte mixte dans les programmes scolaires.

Cette pratique reste encore aujourd’hui sujet de conflits, notamment dans les pays où l’égalité femmes-hommes n’est pas reconnue. En Irak, Nehaya Dhaher se bat pour la création de la première équipe de lutte féminine du pays. Dans le sud irakien où les traditions et la morale religieuse font loi et où les femmes sont exclues de l’espace public, les nouvelles recrues subissent de fortes pressions de la société. Toutefois, ce combat n’est pas vain car trois autres équipes ont vu le jour à Kirkouk, au nord de Bagdad et à Bassora, au sud frontalier de l’Iran.

Bibliographie

– Bohuon, A. (2012). Le test de féminité dans les compétitions sportives : une histoire classée X ? Paris : éditions iXe.

– Guérandel, C. Mennesson C. (2016). Le sport fait mâle : la fabrique des filles et des garçons dans les cités, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble.

– Liotard, P. (2004). Sport et genre. Volume 2, Excellence féminine et masculinité hégémonique. Paris : L’Harmattan.

– Liotard, P. (2017). « Introduction : Exposition aux discriminations ordinaires dans les sports », Les cahiers de la LCD, 4 (2), pp. 13-24.

– Porrovecchio, A. (2017). Sport, sexe et genre : représentations, Paris : L’Harmattan.

– Salle, M. (2014). Formation des enseignants : les résistances au genre. Travail, genre et sociétés, 31,(1), pp. 69-84