Les reco de la mission égalité-diversité – Novembre 2025

L'invitée du mois

Ce mois ci c'est Aurélie Olivesi, chargée de mission égalité et lutte contre les discriminations qui nous propose sa recommandation culturelle. Merci Aurélie !

L’Internet de la haine - Emmi Nieminen & Johanna Vehkoo

Une recommandation d'Aurélie

Le pitch : Cette bande dessinée n’est malheureusement pas une fiction. Composé de témoignages, d’investigation, de documentation et de conseils, ce livre rend compte d’un phénomène souvent sous estimé mais très répandu : le cyberharcèlement, qui touche principalement des femmes et des minorités. Des victimes n’ayant pas d’autre tort que celui d’être eux-mêmes, seuls derrière leur écran.

Johanna Vehkoo, une journaliste féministe engagée et reconnue en Finlande, a mené tout le travail d’investigation, qu’Emmi Nieminen, une jeune dessinatrice de talent, a illustré.

L’engagement féministe des autrices a pour ambition d’informer les lecteurs et lectrices

Ouvrage complet, très abordable et richement illustré, il peut parfaitement être proposé à des lecteurs dès l’adolescence.

Une enquête finlandaise sur le cyberharcèlement, notamment des femmes et des minorités. Très clair, bien documenté, richement illustré et précurseur sur ce sujet.

On a peu fait mieux depuis !

“Rouge Pute” - Perrine Le Querrec

Une recommandation d'Anaël

 TW : Violences Conjugales

Perrine Le Querrec est l’une des figures phares de la poésie contemporaine féministe et reconnue pour son expertise sur la thématique des violences.

Ce recueil dénommé “Rouge Pute”, rassemble un riche travail de poésie documentaire. Il est écrit sur la base d’entretiens d’écoutes de femmes anciennement victimes de violences conjugales.

Ce recueil de témoignages a été mené sur plusieurs mois dans des centres sociaux d’accueil de victimes de ces violences. Il se veut être un travail d’archives, de mise en lumières de récits de violences qui restent encore trop souvent invisibilisées.

À mon sens, la force de ce recueil de poésie se trouve dans la précision du travail documentaire réalisé par Perrine Le Querrec et la mise en lumière sans fioritures, ni tentative embellissement, des voix de ces femmes.
Comme le souligne les éditions de la Contre Allée (où est publié ce recueil) : “Perrine Le Querrec construit une langue et un regard à la poursuite des mots réticents et des silences résistants.”

Il était important pour moi de proposer ce mois-ci un poème qui parle à la fois des violences faites aux enfants et des violences conjugales pour mettre en lumière à la fois la journée de mobilisation nationale du 15 novembre dédiée à la lutte contre les violences faites aux enfants et celles du 25 novembre dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Le poème ci-dessous, “Profil bas” est issu de ce recueil.

Profil Bas

Profil bas, ne provoque rien
Ne dis rien
Invisible
La leçon enseigne-la aux enfants
Ne faites pas de bruit ne pleurez pas l’énervez pas
Invisibles
Devenez Restez Vivez
Pas un souffle pas une larme pas un cri
Ensuite
Ensuite les enfants sous le bras / ensuite j’ai pris la fuite / ensuite les enfants vont grandir / ensuite ne jamais leur dire du mal de lui c’est leur père c’est quand même leur père il a fait mal à maman mais il vous aime / ensuite espérer qu’ils comprennent / ensuite affronter notre passé leur regard leurs cauchemars / ensuite accepter les leçons de la justice pour le bien des enfants ne parlons pas du bien des mères / ensuite courir d’un psychologue à l’autre / ensuite leur apprendre à rire à croiser à fêter / ensuite et chaque jour ensuite ils grandissent la leçon toujours là au fond du ventre au fond des yeux
Terrée au plus profond
La terreur d’une colère
Qui frapperait leur mère

Santosh - Sandhya Suri

Une recommandation de Julie

Le pitch : Une région rurale du nord de l’Inde. Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste et devient policière comme la loi le permet. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.

Difficile de trouver comment commencer cette reco, peut-être en vous signalant que le film a été interdit en Inde en raison « d’inquiétudes concernant sa représentation » de la misogynie, de l’islamophobie et de la violence au sein des forces de police.

Santosh raconte l’histoire d’une jeune veuve Dalit prénomée Saini qui rejoint la police et se retrouve confrontée à un système profondément gangrené par le sexisme, les discriminations de castes, l’islamophobie et l’impunité. Ce récit fictif entre en résonance directe avec l’affaire Nirbhaya datant de 2012 où l’exécution par pendaison des violeurs avait été perçue comme une victoire – alors même que les conditions ayant rendu ce crime possible demeurent encore à ce jour inchangées. Ces deux récits montrent l’incapacité des institutions à protéger, écouter, (se) réformer et éduquer et leur propension à tendre à favoriser des réponses toujours plus violentes et inefficaces. 

Santosh dénonce ainsi les violences systémiques faites aux femmes, en particulier les plus marginalisées, y compris au sein même des institutions censées les protéger. Saini est officière de police dans une brigade réservée aux femmes qui doit s’occuper de tâches subalternes et ingrates. Elle est rapidement repérée par une inspectrice qui la prend sous son aile mais qui s’avère prête à beaucoup de compromissions pour pouvoir évoluer dans un environnement machiste, profondément injuste et corrompu.

L’erreur, à mon avis, serait d’occulter la dimension universelle du message délivré par ce film (malgré des spécificités propre à l’Inde et sa politique).

J’ai beaucoup aimé le parti pris esthétique et formel avec une narration proche du documentaire mais une photographie alliant beauté lumineuse des paysages du Nord de l’Inde et décors plus sombres et étouffants pour appuyer les tensions dramatiques du scénario.

Il est disponible sur la plateforme Arte accessible avec votre abonnement en bibliothèque municipale dans le Rhône.

Querer - Arte

Une recommandation de Marthe

À l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, je vous invite à découvrir « Querer », mini-série espagnole en 4 épisodes disponible gratuitement sur Arte.

Querer nous raconte l’histoire de Miren, une mère de famille bourgeoise qui porte plainte contre son époux pour violences conjugales et viol. La série s’ouvre sur sa fuite du domicile conjugal et viendra nous raconter tout le parcours de cette survivante (la plainte, le procès, l’après…). Les violences à l’origine de la plainte mais également celles qui surviendront par ricochet dans un effet de double peine (la culpabilisation, le manque de soutien, la remise en question de la parole, le gaslighting…) y sont décrites avec finesse, dans toute leur complexité.

L’occasion aussi de rappeler que depuis 2022, l’Espagne a inscrit pénalement la notion de consentement par la loi « solo si es si ».

Désormais, ce n’est plus à la victime que revient la charge de prouver qu’il y a eu violences, contrainte, menaces ou surprise mais à l’auteur de présumé de garantir qu’il avait obtenu le consentement de la victime. En France, un travail parlementaire a permis l’émergence d’une proposition similaire adoptée le 23 octobre à l’Assemblée Nationale.

À suivre donc, mais cela pourrait marquer un tournant majeur dans le traitement judiciaire des violences sexuelles.