Le confinement a aggravé les inégalités entre les femmes et les hommes, sur le plan personnel et professionnel. Au confinement s’est ajouté le télétravail qui, comme le révèle l’enquête de l’INED publié en juillet 2020, a eu des impacts différents suivant le sexe des travailleu.ses et leur catégorie sociale. Cette réalité est d’autant plus vraie pour les femmes en confinement dans un foyer hétérosexuel avec des enfants (en bas âge ou non). Afin de visibiliser ces inégalités, exacerbées pendant cette période, nous avons recueilli les témoignages de femmes, de catégorie A, B et C travaillant comme personnels BIATSS ou enseignantes-chercheuses à l’Université Lyon 1. Vous pourrez les découvrir, quotidiennement sur le blog, du 15 au 23 juillet.
Pouvez vous vous présenter ?
Je m’appelle Sonia Duprey, je suis maîtresse de conférence à l’IUT Lyon 1. J’ai vécu le confinement en famille avec mon conjoint et mes deux petites filles qui sont en CP et en CE1.
Comment avez-vous vécu l’annonce du confinement ? Comment avez-vous organisé les premières semaines ?
Le début du confinement s’est plutôt bien passé avec la sensation d’avoir levé le pied. J’ai apprécié ce changement de rythme des 2 premières semaines.
Le rythme des cours n’était pas encore trop chargé à l’IUT et n’a pas créé de panique ou de rupture brutale d’enseignement pour ma part.
Les toutes premières vidéos à vocation pédagogiques ont été réalisées par mes collègues et j’ai pu, quand mon tour est venu d’en réaliser, m’appuyer sur leur expérience. Je me suis formée assez rapidement aux nouveaux outils et j’ai ressenti beaucoup de solidarité et d’entraide dans mon équipe.
Les retours des étudiants ont été positifs et j’ai eu le sentiment de créer de nouveaux liens avec elles et eux. Nous avons eu de la chance que ce confinement se produise à un moment où nous connaissions déjà bien nos étudiant·es, la situation aurait sans doute été différente s’il s’était produit dès la rentrée.
Connaissez-vous le terme de charge mentale ? Dans quelle mesure avez-vous ressenti son poids pendant cette période ?
D’un point de vue personnel, avec deux enfants à la maison et mon conjoint chercheur, nous avons essayé de nous répartir le travail mais j’ai tout de même senti que ma recherche était sacrifiée. J’ai rarement autant refusé de projets, de publications. Aussi « empouvoirant » que cela puisse être d’apprendre à dire non je ne peux pas nier que cela a été un peu frustrant professionnellement et m’a un peu assignée à être plus disponible pour les questions familiales. Mon conjoint a moins freiné ses recherches en travaillant beaucoup le soir, a probablement moins refusé de propositions scientifiques.
Pour tenter d’éviter les inégalités nous avons mis en place un emploi du temps formalisé pour la gestion de « l’école à la maison ». Une certaine forme de charge mentale liée au fait d’emmener les enfants à leurs activités et de prévoir les week-end s’est allégée. De fait, j’ai globalement vécu moins d’obligations de ce point de vue. Par contre, j’ai réalisé que mon conjoint s’occupant des courses et moi du ménage, je me sentais plus enfermée car je sortais très rarement.
Une certaine forme de charge mentale liée au fait d’emmener les enfants à leurs activités et de prévoir les week-end s’est allégée, de fait. j’ai globalement vécu moins d’obligations de ce point de vue.
Beaucoup de médias prônaient un retour à une forme d’intériorité et de lenteur, avez vous pu prendre ce temps pour vous ? (lire, sport, prendre soin de soi)
J’ai pris beaucoup de temps à jardiner, le potager n’a jamais été aussi florissant ! Nous avons aussi profité de ce temps pour faire des travaux et améliorer la maison.
Avez-vous ressenti une forme de culpabilité concernant votre gestion de cette crise ?
La bienveillance de l’environnement professionnel m’a permis d’éviter ce travers. Pour la vie personnelle, j’ai fait de mon mieux, n’étant pas institutrice et en prenant en considération la période exceptionnelle que nous avons traversé.
Comment avez-vous géré l’après confinement ? Quelles ont été vos stratégies pour initier le changement ?
Pour moi la période n’est pas vraiment finie, les enfants ne sont pas retourné tout de suite à l’école à plein temps et seront bientôt en vacances. Le travail continue de se faire à distance et nous avons encore beaucoup d’incertitudes pour la rentrée.
J’aimerais pouvoir continuer à télétravailler au moins une journée par semaine pour pouvoir gagner en efficacité et en concentration. Lorsque je vais travailler à mon labo cela me prend une heure de trajet dans la journée, c’est un temps que je pourrais consacrer à ma recherche ou la préparation de mes cours si je le faisais à la maison.
Concernant la vie familiale je pense que cette période a rendu nos enfants plus autonomes et que nous allons pouvoir les avoir davantage à la maison et moins en périscolaire car nous leur faisons maintenant plus confiance pour respecter les temps de travail de chacun·e