Peux-tu te présenter ainsi que l’association Impact ?
J’anime des stages d’autodéfense féministe depuis 2016, pour ceci j’ai suivi une formation de formatrice d’autodéfense à Garance, qui est une association belge de prévention des violences liées au genre. Mais c’est depuis 2012 que je m’implique dans la prévention des violences ; en effet je faisais partie d’une autre association Autodéfense et Autonomie qui a proposé pendant 10 ans des stages d’autodéfense féministe dans la région Lyonnaise. Cette association s’étant arrêtée, nous avons été quelque unes à créer une nouvelle association Impact qui existe depuis 2 ans.
Auparavant, j’ai travaillé plusieurs années comme éducatrice spécialisée, métier que je n’exerce plus à présent, puisque je m’investis pleinement pour le développement de l’association Impact.
Impact est basée à Villeurbanne et l’objet principal de l’association est de prévenir les violences liées au genre en proposant des stages d’autodéfense pour les femmes, les filles, les adolescentes et les minorités sexuelles et/ou de genre. Nous organisons régulièrement des stages et nous faisons plusieurs partenariats avec différentes structures selon les demandes.
Comment je suis arrivée à l’autodéfense ? Parce que moi-même en 2010 j’ai participé à un stage et j’en suis ressortie enthousiaste ! Cela faisait sens pour moi de développer des actions de prévention ; c’était en accord avec mon parcours d’éducatrice spécialisée.
Pourquoi et dans quel contexte avoir choisi de développer des ateliers d’autodéfense féministe ?
Je suis convaincue de l’importance de proposer des espaces entre personnes concernées qui favorisent des temps d’échanges et de pratiques corporelles renforçant la capacité d’agir des personnes. S’accorder une journée voire 2 journées pour être en groupe, partager nos connaissances, tester des outils , échanger à propos de stratégies pour comprendre et stopper des situations problématiques voire dangereuses, c’est enrichissant et renforçant !
Je suis également persuadée de l’importance de développer la prévention le plus tôt possible, c’est pour cela que je me suis formée à animer des stages pour les filles dès 8 ans. Peut-être que ça ne prémunit pas de toutes les violences rencontrées, mais je suis certaine que cela aide à réagir le plus tôt possible, à repérer les situations potentiellement dangereuses, et à se faire confiance dans nos ressentis.
Mais ce n’est jamais trop tard pour participer à un stage, les femmes plus âgées ont leur mot à dire, elles vivent aussi des violences spécifiques et ont des ressources pour les stopper.
Les contextes « idéaux » d’animation de stage, c’est quand les femmes n’ont pas à prendre en plus du temps et de l’argent pour participer à des stages ; par exemple, j’ai animé des sessions pour des agentes de la ville de Villeurbanne, dans le cadre de la formation professionnelle, c’était prévu sur leur temps de travail et elles n’ont pas eu à payer; ou pour les étudiantes de la fac qui ont sûrement peu de moyen et qui n’ont pas eu à payer cette formation. Cela rend la pratique de l’autodéfense plus accessible car peut-être ces femmes n’auraient pas pu se rendre disponible tout un week-end pour un stage et/ou le financer.
Le travail que l’on fait devrait être un enjeu de santé publique, reconnu par les instances politiques car le plus nous développons des actions de prévention, le moins il sera nécessaire de dégager des financements pour des actions curatives, c’est-à-dire quand les violences sont déjà là, et qu’il faut mobiliser beaucoup de moyens humains et financier pour de l’accompagnement. En tout cas les 2 démarches sont complémentaires.
En quoi consistent les ateliers d’auto-défense, à qui s’adressent-ils ?
Les stages s’adressent aux femmes (sur un principe d’auto définition) d’une part, aux adolescentes, aux filles et aux minorités sexuelles et/ou de genre d’autre part. Il existe donc différentes non mixités car il existe des violences spécifiques que rencontrent ces personnes. Un des aspects importants de l’autodéfense est de partager en groupe au moins une oppression commune, comme la misogynie, le sexisme pour les personnes socialisées femmes.
Dans un groupe de femmes, il y a aussi différents vécus et d’autres discriminations que peuvent rencontrer certaines participantes et pas d’autres ( lié a un handicap, aux ressources économiques, à une orientation sexuelle, ça peut être du racisme, de l’islamophobie etc) et donc l’enjeu, dans un stage, est que toutes sentent qu’elles ont leur place , que le contenu soit adapté et accessibles pour elles.
Dans un stage, nous alternons des moments de discussion et des moments de pratiques sur comment être la plus efficace pour faire passer un message quand nos limites sont dépassées, nous voyons des techniques physiques simples et efficaces si jamais cela arrive qu’on ait besoin de se défendre physiquement, nous voyons des techniques verbales, nous parlons de la socialisation en tant que femme et du rapport à la violence, nous partageons des ressources et donnons des informations sur nos droits, le tout dans une ambiance conviviale.
Quelles sont les réactions et les retours des personnes que tu formes ?
Énormément de retours positifs à la fin des stages ! Les retours dépendent de ce pour quoi elles sont venues au départ. Pour certaines, c’est la reprise de confiance par le corps, par le fait de savoir se défendre physiquement, pour d’autres ce sont les échanges au sein du groupe, encore pour d’autres cela va être une meilleure connaissance de ses propres limites, etc.
À chaque fois il y a des déclics qui s’opèrent chez les participantes comme des prises de conscience, de la reprise de pouvoir sur le sentiment de légitimité à poser ses limites, à se défendre par les mots et les gestes si nécessaire, sur la force qu’elles ont , sur le sentiment partagé de vécu similaire et l’envie d’être solidaires les unes des autres, sur le fait de plus culpabiliser par rapport à des agressions vécues.
Les ateliers évoluent ils en fonction des séances et des retours des participantes ?
Oui, c’est important que la pratique évolue en fonction des groupes, des différents contextes dans lesquels j’interviens – ce sera différent d’intervenir auprès d’étudiantes pendant une journée, que durant une demi-journée pour un atelier découverte de la défense verbale à destination de toutes femmes, ou bien 2 séances de 3h dans un centre social ou encore 2 jours d’affilée pour les stages que nous organisons.
Il y a des bases, des messages principaux qui sont les mêmes et après je « tricote » et construis le format en fonction, il peut même évoluer durant l’atelier même.
Un mot pour la fin : merci à la mission Égalité-diversité d’avoir organisé un stage à destination des étudiantes !