CNSMD de Lyon
3 quai Chauveau
69009 LYON
Salle Varèse, gratuit
Intervenantes : Florence Poudru, Paule Gioffredi, Hélène Marquié, Mathilde Monnier et Erna Omarsdottir
Cette journée d’étude offre les regards de plusieurs chorégraphes internationaux et d’universitaires spécialistes de la danse. Où en est la connaissance sur le métier de maîtresse de ballet-chorégraphe des XIXe et XXe siècle ? Y aurait-il une spécificité féminine dans le processus créatif ? L’inspiration, la technique et l’œuvre sont-elles influencées par le genre ? Quelle est la perception de chacune des artistes ?
A quelques jours de la journée des droits des femmes, cette rencontre organisée par le Département Danse du CNSMD de Lyon, voulue par Davy Brun et coordonnée par Florence Poudru, invite les chorégraphes à s’arrêter sur leurs parcours et à travers l’étude de quelques artistes, propose une réflexion sur le métier de chorégraphe.
Dans l’historiographie française,
les danseuses figurent en bonne place des ouvrages généraux d’histoire
du ballet. Mais, Marie Sallé apparaît longtemps exclusivement comme une
danseuse du XVIIIe siècle dans nombre de publications
[Marie-Françoise Christout, Puf, coll. 1966, coll. Que sais-je ? ; Paul
Bourcier, Le Seuil, 1978 ; Maurice Brillant, Librairie théâtrale, 1979 ;
Ferdinando Reyna, Somogy, 1981].
Hormis quelques exceptions [André & Vladimir Hofmann, Bordas, 1981] où figurent également l’exemple du ballet Papillon « réglé par Marie Taglioni », de Fanny Cerrito qui « compose Gemma »
[Hofmann] ou celui de Katti Lanner, « maîtresse de ballet de l’Empire
Théâtre de Londres » [Christout], il est rare qu’une femme soit
mentionnée pour son activité chorégraphique antérieure au XXe siècle.
L’historien britannique Ivor Guest a fait figure de pionnier en
accordant une place notable aux œuvres et fonctions des femmes au King’s
Theatre de Londres et à l’Opéra de Paris au XIXe siècle, dès ses publications de 1953 et 1954.
Le romantisme a promu la ballerine au rang de vedette ; les rôles éponymes de Giselle ou Eoline et l’importance nouvelle donnée au corps de ballet féminin, ont contribué à féminiser le métier d’interprète, très valorisé dans la plupart des ouvrages. La distorsion entre une abondante littérature sur les ballerines et une quasi-absence des maîtresses de ballet-chorégraphes, n’a été remise en question qu’à une époque assez récente.
Le discours sur la féminisation du métier de chorégraphe, grâce à l’émergence de la danse moderne à l’aube du XXe siècle, a largement été diffusé. Dès l’entre-deux guerres, plusieurs auteurs en font état dans leurs publications [André Levinson et Fernand Divoire en France ; John Martin aux Etats-Unis, etc.]. Chorégraphes-interprètes de leurs danses, les danseuses modernes Loïe Fuller, Isadora Duncan et Maud Allan, ont pris leur destin en main et fondé des groupes et des écoles : une démarche poursuivie par les chorégraphes des générations suivantes, Martha Graham, Doris Humphrey, Katherine Dunham, Mary Wigman, Dorothée Gunther, Grete Palucca, Karin Waehner, Jacqueline Robinson et bien d’autres. D’Argentina à Carmen Amaya, les danseuses dites exotiques savent délaisser le récital pour chorégraphier. Ces trajectoires d’exception masquent une certaine invisibilité quant au rôle des femmes dans le domaine de la danse, tous styles considérés. Au fil du XXe siècle, derrière les célèbres Bronislava Nijinska dès les années 1920, Janine Charrat dans les années 1940, puis Carolyn Carlson, nommée Etoile chorégraphe à l’Opéra de Paris en 1974, combien d’artistes demeurent oubliées ? Cette connaissance lacunaire a ouvert un champ immense à la recherche : le domaine de la danse est probablement le plus féminisé des arts du spectacle.
La recherche a déplacé son centre de gravité longtemps polarisé sur quelques théâtres parisiens et il n’est pas interdit de penser qu’une grande part du rôle joué par les femmes dans l’art de la danse, tout particulièrement dans la création, reste à découvrir. Quant au spectacle vivant d’aujourd’hui en France – musique, danse, théâtre, cirque – il a fait l’objet de rapports de Reine Prat pour le ministère de la Culture et de la Communication, établis en 2006 et 2009, qui soulignent une féminisation réelle dans le domaine de la danse, tout en pointant les disparités en défaveur des femmes dès lors qu’il s’agit de diriger une institution culturelle.